Archiviste-Paléographe Archiviste de l'A.O.F. — I.F.A.N. Dakar
Le haut, l'élevé, le considérable quant à la puissance, l'inépuisable quant à la grandeur d'âme, le chef des pays de la Guinée française, M. Guy, Gouverneur, à tous les Chefs de la Région de Fouta-Djallon.
Salutations à quiconque connaît et comprend les chemins de la justice et de la bonté.
Et après :
Alpha Yaya a fini sa peine de cinq ans de détention au Dahomey. Le Gouverneur général de l'Afrique Occidentale, le Grand quant à la bienveillance, a autorisé Alpha Yaya à revenir en Guinée française. Il y est arrivé le 30 novembre 1910. Le 4 décembre 1910, le Gouverneur général, moi, Gouverneur de la Guinée, entouré des Officiers et des Administrateurs présents à Conakry, nous avons bien voulu recevoir Alpha Yaya devant la porte de mon palais à Conakry Le Gouverneur général a dit à Alpha Yaya que, de la situation élevée qu'il occupe, il a entendu sa voix, qu'il lui octroie le retour à Missidi Labé ; que Dieu, qui connaît le fond du coeur des hommes, a voulu que rien de ce qui se passe dans le coeur d'Alpha Yaya ne lui demeurât ignoré. Le Gouverneur général a encore dit ceci : « Nous voulons que toi, Alpha Yaya, tu donnes l'exemple de la soumission à l'ordre et de la déférence à la volonté de ceux qui ont résolu de faire régner la paix dans le Fouta-Diallon et d'en éliminer tout élément de désordre; nous t'accordons d'habiter Missidi Labé en qualité de simple particulier, tu as cessé d'être chef du pays de Labé, tu n'auras aucun titre, aucun pouvoir, je te défends formellement de t'occuper de notre administration, de donner des conseils à, qui que ce soit, tu rentreras à Labé comme tous les Foulahs, comme ceux qui ne sont investis par nous d'aucune autorité, c'est-à-dire comme tous ceux qui ne sont que ce qu'ils valent par leurs bonnes pensées et leurs actions loyales. Nous te défendons encore de t'entourer de personnes étrangères toujours mauvais es conseillères ; tes parents directs, femmes et enfants, doivent seulement vivre avec toi pour ta satisfaction ; notre volonté est de t'octroyer, dans notre générosité, le séjour parmi les tiens. Sache, en outre, qu'afin que tu aies des preuves de notre largeur de paume, nous avons décidé que tu recevrais désormais la pension de 25 000 fr., c'est-à-dire 5000 gourdes qui t'était allouée jusqu'à présent dans le pays d'Abomey. Cette pension te sera continuée, s'il plaît à Dieu, tout le temps que ta conduite te rendra digne de notre générosité.
« Et, certes, notre volonté est que tu jures sur le Coran que tu as bien entendu toutes nos paroles, que tu les as comprises, que tu seras toujours un humble et très fidèle sujet de la France, que jamais tu ne trahiras aucun de ses représentants, que jamais tu ne sortiras de ton propre mouvement du pays de la Guinée pour habiter en pays étranger, quel qu'il soit, que tu resteras à Missidi Labé où tu vivras en paix, retiré des affaires, de la politique, comme un Foulah quelconque. »
Les biens qu'Alpha Yaya a pu confier à diverses personnes avant son exil lui seront naturellement rendus. Par biens, il faut entendre : troupeaux, graines, marchandises diverses, mais aucun individu ne pourra être obligé de servir Alpha Yaya parce que la France ne veut pas tolérer le maintien à l'abri de son autorité des coutumes contraires au naturel. Il ne sera, par conséquent, tenu aucun compte dans les règlements qui seront soumis par Alpha ou ses représentants aux Administrateurs dans les cercles de la prétendue qualité de captif parce qu'elle est en opposition avec les lois de justice de la France. Sur ses anciens terrains de cultures de Koubia, Alpha Yaya pourra cultiver à nouveau.
C'est ainsi que le Gouverneur de l'Afrique Occidentale Française a parlé à Alpha Yaya.
Alpha Yaya a répondu qu'il avait bien entendu et compris toutes les paroles du Gouverneur Général, qu'il savait ne plus être chef, n'être qu'un simple particulier et vouloir jurer solennellement fidélité absolue à la France et à ses représentants.
Aussitôt Karamoko Sylla de Conakry reçut le serment d'Alpha Yaya. S'il se parjure, il sera maudit, que Dieu le mette dans l'impuissance de violer son serment.
« C'est à vous, Chefs de tous les villages du pays foulah que moi, Gouverneur de la Guinée française, je m'adresse. Nous voulons que personne n'ignore les décisions des représentants de la France, à l'égard d'Alpha Yaya. Nous défendons de la façon la plus absolue à tous nos sujets de considérer Alpha Yaya et son fils Aguibou comme chefs, de se servir d'eux à un titre quelconque dans leurs relations avec les commandants, mes porte-paroles dans l'intérieur. Sachez que nous vous connaissons tous par votre nom ; il n'y a pas un de vos villages dont nous n'avons entendu parler et dont nous ne nous occupions, nous connaissons les habitants de la Guinée et leurs affaires, nous connaissons vos intérêts, nous voulons votre bien. Comprenez bien que les Français travaillent pour vous et que, si parce que nous sommes plus intelligents et plus instruits, nous vous dirigeons, vous devez tous sans exception nous écouter et suivre la route que nous vous traçons. Nous sommes pour vous comme le père et la mère vis-à-vis de leur petit enfant. Le père et la mère ne veulent que le bien de leur enfant et l'enfant, à cause de cela, doit écouter son père et sa mère et suivre leurs conseils avec obéissance, convaincu que ce n'est que son bien qui en résultera. Pour finir, je vous dirais : ayez confiance en nous ; écartez de votre chemin les ambitieux et ceux qui veulent vous, tromper, car s'il plaît à Dieu, ce qui n'est pas en ce moment tout à fait bon le deviendra à mesure que nos idées qui sont justes pourront être réalisées. »
Ecrit sur notre ordre à Conakry le 25 janvier 1911 ;
Signé : Camille Guy.
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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.