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Institut Français d'Afrique Noire - Etudes guinéennes — n° 3, 1950


Marguerite Verdat

Archiviste-Paléographe Archiviste de l'A.O.F. — I.F.A.N. Dakar

Le Ouali de Gomba
Essai Historique


Pièce annexe n° 1.

Lettre de l'Administrateur du Cercle de Faranah proposant plusieurs terrains pour l'installation éventuelle du Ouali de Goumba. 23 novembre 1895.

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 24 octobre relative à l'installation du Ouali dans le cercle de Faranah.
Cette solution, dont M. le Gouverneur Grodet m'avait entretenu lors de mon passage à Kayes au commencement de 1894, sera évidemment très avantageuse à tous égards. Tout en mettant fin aux difficultés qu'a soulevées la présence de ce Chef au milieu des populations soussous, elle permettrait l'occupation des régions dont la population a été complètement exterminée par les Sofas.
Elle assurerait le ravitaillement en boeufs de la région sud du Soudan, ravitaillement qui devient actuellement très difficile. Vous avez pu constater, en effet, par mon bulletin politique du mois d'octobre, que l'Almamy Bokar Biro a fait expulser du Fouta-Djallon les agents acheteurs que, pour répondre aux demandes présentes du Commandant de la région, j'avais envoyé pour chercher des boeufs.
Quatre régions actuellement désertes se prêteraient à l'installation du Ouali, de ses gens et de ses troupeaux.

  1. Le territoire situé sur la rive droite du Mongo (affluent de gauche de la petite Scarcies) et limité au Nord par la rivière Piméli, à l'Ouest par le Toufili affluent de la Pintéli, au Sud par la route Faranah-Ouassou, qui traverse le Mongo à Soumayéréakouta. Ce territoire aurait l'avantage d'être assez rapproché des établissements actuels du Ouali. En y installant des colonies de Foula, on y gagnerait de repeupler un territoire que traversent les caravanes qui vont du Niger à Conakry ou à Benty, territoire actuellement désert. Malheureusement, le terrain qui serait cédé au Ouali serait sans doute un peu trop exigu.
    Ses troupeaux ne tarderaient pas à s'y trouver à l'étroit et à envahir les cultures des villages avoisinants.
    Ces villages commencent seulement à se repeupler, les habitants établis au Linban rentrant en majeure partie cette année.
    L'annonce de la venue du Ouali et de son installation dans le pays suffirait à faire fuir à nouveau une population qui ne demande qu'à réoccuper les anciens villages. Il est essentiel, dans l'intérêt même des communications à établir entre la Guinée française et le Haut-Niger, que la région traversée par la route Faranah-Ouassou soit à la fois peuplée et tranquille. Dans un assez court délai, le canton, actuellement désert, qui pourrait être cédé au Ouali, sera occupé par des villages de culture qui se transformeront rapidement, si les routes sont fréquentées, en villages définitifs, au lieu que, en peuplant de Foulas un petit canton du Houré, on y gagnerait de faire pour longtemps le vide dans la région avoisinante. Au reste, les chefs indigènes que j'ai consultés à ce sujet ont tous énergiquement protesté lorsque je leur ai parlé d'installer le Ouali auprès d'eux.
    Ils ont tous fait remarquer que le territoire à céder serait insuffisant pour de nombreux troupeaux et que ceux de leurs gens qui doivent prochainement rentrer du Linban y renonceraient sûrement s'ils devaient avoir pour voisins des hommes aussi turbulents que le sont, paraît-il, les Foulas du Ouali. J'ajoute que les chefs se soucient peu de voir le Ouali, qui est infiniment plus riche et plus puissant qu'eux, s'établir dans leur voisinage immédiat.
  2. Le territoire situé le long de la rive droite du Tinkisso, à l'ouest des villages de Tambacounia, Diguéla, Nienanga et Danda. Ce territoire, absolument dépeuplé, a environ 35 km de long sur 20km de large. Il serait donc très suffisamment étendu pour que les troupeaux du Ouali y circulent à l'aise.
    Mais il serait difficile de le délimiter vers le Sud et vers l'Est par des obstacles naturels. L'absence de limites bien définies ne tarderait pas à donner naissance à des contestations dont le règlement serait très difficile. De plus, le Ouali se trouverait au voisinage immédiat du Fouta Diallon, dont il ne serait séparé que par le Tinkisso, c'est-à-dire par une barrière très facile à franchir pendant la plus grande partie de l'année. Il serait presqu'impossible d'empêcher des hostilités entre les gens du Ouali et ceux des Almamys.
    Les difficultés que la présence du Ouali a fait naître ne seraient que déplacées et non point supprimées.
  3. Un territoire situé à l'est du Tembi-Ko (branche orientale du Niger) aux abords des villages de Kankofia, Baroua, Couloumbayo et Lindiana, région déserte, mais entourée de terrains très cultivés ; il serait sans doute difficile de la délimiter avec précisions et elle serait sans doute d'une étendue insuffisante.
  4. Un territoire situé entre Faranah et Kouroussa et limité, au Nord par le Niger, à l'Est par son affluent le Mafou, au Sud par la route Faranah-Kouroussa, à l'Ouest par une grosse rivière, le Kofi, qui se jette dans le Niger à Samoréa. Ce territoire autrefois peuplé est maintenant inhabité. La population en a été exterminée par les Sofas et les abords mêmes n'ont que de rares et insignifiants villages. Sa longueur de l'Est à l'Ouest est de 32km environ, sa largeur du Nord au Sud de 18 à 20km. Il conviendrait donc comme étendue. Le Ouali y serait son seul maître et les limites de son terrain seraient parfaitement nettes. Il se trouverait sous la surveillance immédiate du Commandant de Cercle. D'autre part, il serait à proximité des postes dont le ravitaillement en boeufs est actuellement très difficile. Pour toutes ces raisons, j'estime, Monsieur le Gouverneur, que c'est ce dernier territoire qui conviendrait le mieux à l'installation du Ouali.

Je ne saurais vous dissimuler toutefois que l'arrivée de ce chef dans le pays sera peu agréable à la population. Il n'y a pas lieu, sans doute de s'arrêter aux objections que pourront présenter les chefs dont le territoire confine à celui qui sera cédé au Ouali et qui sera sans possesseur quelque soit celui que vous aurez choisi.
Mais il me semble prudent et pour rassurer la population et pour éviter des difficultés ultérieures, que l'installation du Ouali dans le pays soit accompagnée de certaines garanties, que les limites de son territoire soient fixées sur le terrain même par le Commandant du Cercle, en présence même de tous les chefs intéressés, enfin que ces limites soient définies par un acte authentique rédigé en français et en arabe.
En terminant, j'exprimerai le désir que, si le Ouali doit s'installer dans le Cercle de Faranah, le déplacement de ses troupeaux s'effectue pendant la saison sèche ; dès les premières pluies, les habitants préparent leurs nouvelles cultures ; celles-ci pourraient être exposées à des dégâts qui augmenteraient bien inutilement le mécontentement causé dans le pays par l'arrivée d'un chef étranger et puissant.
Les cours d'eau et les villages dont je cite les noms figurent tous sur la carte des régions méridionales de la Guinée et du Soudan français qui a été récemment publiée par le Service géographique du Ministère des colonies et que vous avez certainement entre les mains.


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