Numéro 2. 1947
Les biens venant de la conquête et de l'héritage familial appartiennent à toute la famille et sont gérés par le chef de famille presque sans contrôle, mais il est cependant surveillé par ses parents; les biens meubles seuls ont quelque importance et consistent surtout en bétail, le reste ne peut sérieusement entrer en ligne de compte. Les récoltes appartiennent en propre à chaque propriétaire cultivant, aucune confusion n'est faite, même dans le sein de la famille où chacun a droit à sa récolte en propre; ainsi, les différentes femmes d'un même homme possèdent chacune en propre le produit du champ qu'elles ont cultivé.
Le régime de la propriété foncière est un régime religieux ; le véritable propriétaire semble être le genius loci de la collectivité et, en sous-ordre, les différents genius loci secondaires de tous les villages de la collectivité ; la priorité appartient au genius loci du village le plus ancien; les chefs n'ont que la disposition de l'usufruit, celle de la propriété leur échappe. A leur point de vue, les chefs considèrent qu'il leur est loisible de louer un terrain, à titre onéreux ou gratuit, mais ils ne se reconnaissent pas le droit d'en aliéner la nue-propriété : ils ne sont que des gérants pour le compte du genius loci.
Le régime de l'usufruit est le suivant: l'usufruitier titulaire est le chef de la collectivité, avec les chefs de village comme sous-usufruitiers; le partage de l'usufruit des terrains de culture environnant le village se fait au début de l'hivernage, en réunion générale, sous la présidence du chef de village. En fait, tous les ans, chaque famille dispose du même terrain, car le terrain qui lui est attribué est celui qui se trouve, dans le voisinage du sol occupé par la totalité de ses cases au cours de ses déplacements successifs, mais si cette régularité de distribution est presque toujours observée, elle n'a rien d'obligatoire et peut très bien être modifiée, si l'assemblée des chefs de cases en décide ainsi, car le terrain occupé par les cases n'est nullement la propriété privée de la famille. En ce qui concerne les étrangers, la permission de s'établir et les terrains dont ils ont besoin sont accordés par le chef de village sous sa responsabilité envers le chef de village le plus ancien de la collectivité. Quant aux terrains éloignés dans la brousse, chacun peut les occuper et les cultiver, à sa guise, en restant néanmoins sur le sol de la collectivité dont il fait partie.
Les divinités considérées comme propriétaires du sol portent le nom générique d'igwar et chaque igwar porte un nom particulier.
Celui des Nioké porte le nom de Yameni, celui des Sonkoli se nomme Manadèl, celui des Sandé s'appelle Masa, celui des Bokoré Grétyèk; celui des Botounoun se nomme Ofagane et réside sur le territoire de Landoumba.
Les indigènes prétendent qu'il a disparu il y a une cinquantaine d'années au moment des premières invasions des Peuls, qui sont accusés de l'avoir volé, on peut le considérer comme remplacé par l'igwar de Négaré.
En droit coniagui et bassari, les successions sont dévolues en se basant uniquement sur la parenté utérine. Le frère aîné utérin hérite en première ligne, puis viennent les frères cadets et à leur défaut les neveux. L'héritier n'obtient pas la saisine immédiatement après le décès, il doit attendre que les offrandes funéraires de bière de mil soient terminées ; pendant tout ce délai, l'administration des biens du défunt appartient à son fils aîné. Si tous les membres de la famille sont d'accord, ils peuvent remettre l'héritage à l'un quelconque des frères du défunt, mais en cas de désaccord, l'héritage doit revenir au frère aîné utérin du défunt qui ne peut être évincé que dans le cas où tous les parents sont d'avis de le faire. Les successions sont généralement de peu de valeur et ne sont jamais composées que de biens meubles dont les principaux sont le gros et le menu bétail. Le sort des veuves du défunt ne dépend que d'elles-mêmes, elles peuvent, à leur choix, devenir les femmes de l'héritier ou au contraire partir avec leurs enfants et retourner dans leur famille. Le sort des enfants est réglé d'une façon différente. En cas de décès de la mère; les enfants du sexe masculin reviennent au mari et ceux du sexe féminin aux parents de la femme. La liquidation des successions peut durer plus ou moins longtemps.
Les donations ne peuvent porter que sur des objets mobiliers, elles sont irrévocables en principe. Il n'est pas rare de voir les donations utilisées comme un moyen de suppléer à l'inexistence du testament; lorsque avant sa mort un homme veut favoriser ses fils ou ses amis, il fait déclaration du don qu'il fait devant témoins et ce don ne peut jamais être révoqué par l'héritier du donateur. Les fils n'attendent pas si longtemps, pour user des biens de leur père; ils profitent de son vivant le plus qu'ils peuvent en prévision de la saisine future des héritiers utérins. Il existe une restriction à l'égard des chefs de village qui ne peuvent faire donation que des biens qui sont situés en dehors du territoire de leur village.
Chaque individu a le droit de conclure tout contrat ou toute obligation au sujet de tout objet dont il est légitime propriétaire, sans distinction d'âge ou de sexe; aucune autre condition de validité n'est exigée.
Les principaux contrats usités sont le troc, le prêt, le dépôt, le mandat. Le gage est plus rare et n'est guère usité qu'en matière de délit et de quasi-délit.
Le troc, qui jusqu'à ces dernières années a régné en maître, fait de plus en plus place à la vente, surtout chez les Coniagui. Le paiement ne se fait pas nécessairement au comptant, les échanges et les ventes à termes plus ou moins longs sont d'un usage courant.
Les contrats de dépôt concernent surtout le bétail et d'après la coutume le dépositaire n'a droit à aucune rétribution ni au partage du croît, mais à un cadeau plus ou moins important selon la générosité du déposant. Le mandat est d'un usage très fréquent; les Tenda sont d'une nature très sédentaire et pour ne pas s'éloigner, ils confient aux jeunes gens qui vont aux escales commerciales le soin d'acheter les denrées dont ils ont besoin. En droit, aucune rétribution n'est due, mais en fait le mandataire se paye lui-même en retenant une partie du produit de la vente lorsque le mandant est un parent.
Note
1. Ce texte, écrit en 1916 et déposé aux Archives de la Guinée française, nous a paru, quoique ancien, mériter publication; l'administrateur Delacour fut le plus pénétrant spécialiste de l'ethnologie des Tenda (N.D.L.R.).
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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.