Bulletin de l'IFAN. Notes et Documents. Série B: Sciences Humaines, Dakar.
Vol. XXVIII. Nos. 3-4. Juillet-Octobre 1966. pp. 1009-1018
Des limites naturelles ceinturent Conakry et le Kaloum. L'océan Atlantique baigne la presqu'île sauf au nord-est où elle s'évase et fait corps avec le continent. Géographiquement, les limites de la banlieue s'arrêtent au pied du Kakoulima, soit au km 45 (compté à partir du palais présidentiel) ; la rivière du Correra la borne au nord et celle du Manéah au sud. Officiellement Conakry forme une région administrative divisée en deux fédérations politiques :
Notre étude toponymique ne portera que sur les différents quartiers de ces deux agglomérations et s'alimentera surtout à la tradition orale des vieux autochtones encore vivants de Kaporo et de Dixinn surtout, et de quelques personnes cultivées, richement informées sur l'histoire locale.
La langue permet en partie de situer historiquement la fondation des villages du Kaloum. Les noms les plus anciens sont bagas. Les premiers villages de ces cultivateurs et pêcheurs par vocation ont été fondés entre 1750 et 1860. Quelques décennies avant la colonisation, les Soussous, chassés du Fouta-Djalon, ont envahi le Kaloum et, en s'alliant matrimonialement avec les Bagas, ont absorbé ceux-ci et imposé leur langue qui est actuellement celle de presque toute la basse côte. Seuls les très vieux Bagas comprennent encore la langue de leurs ancêtres. Lors de la colonisation, diverses ethnies, ayant afflué vers Conakry en raison de la création de la capitale du Territoire de la Guinée par Ballay, de son développement urbain, commercial, administratif et artisanal, ont laissé leur nom aux quartiers où elles se sont fixées : Téminétaye, Maninkawondi, Limbanta, Dixinn-Foula, ou bien ont nommé dans leur langue tel quartier nouvellement créé : Madina, Hafia sont d'origine foula, Mossodougou est malinké.
Plusieurs moments successifs de la colonisation sont inscrits dans la toponymie de la région.
C'est donc surtout le soussou dérivé du mandingue par adoucissement et simplification qui a constitué la forme actuelle des substantifs locaux. Chez les Soussous, les suffixes ya, yé, dé, yiré, ajoutés au radical, lui donnent un sens de collectivité ou d'emplacement ; ex. : Sandervaliya, Almamiya, Tomboliya… Le mot ta : village est tantôt préfixe : Tanéné, Tamara, et tantôt suffixe. Il correspond au dougou (ex. : Mossodougou) des Malinkés, abrégé parfois en doit surtout en milieu kissi (ex. : Brouadou, Guékédou) et au dzou ou zou des Tomas (ex. : Bofossou, Boéradzou, Ozaololazou). Peut-être la syllabe finale explosive qui caractérise beaucoup de villages coniaguis (ex. : Ithiou, Bambhou, Oushou, Ouyomphou) a-t-elle la même signification ? Les Bagas, eux, forment leurs noms de village en préfixant la syllabe ka qui veut dire : lieu, endroit, et par le fait ; agglomération (ex. : Kaporo, Kassa). Bien qu'il n'y ait aucune parenté entre le dialecte baga et la langue soussou d'origine mandingue, on peut remarquer une certaine analogie entre le préfixe baga ka signifiant endroit habité, et le suffixe soussou ka, kaï, qui veut dire : habitant de … (ex. Conakrikaï : un habitant de Conakry).
Quoique la langue elle-même ne puisse dater avec précision la fondation des villages et que nulle inscription ne jalonne les diverses étapes par où les grammaires particulières sont passées, ce qui expliquerait certaines déformations, il est toutefois possible d'affirmer que les plus anciens villages du Kaloum : Nongo, Kaporo, Dixinn, n'ont guère plus de deux siècles d'existence. Les adultes descendants des fondateurs se disent aujourd'hui de la huitième ou neuvième génération. Pas de comparaison possible avec l'antiquité de ces centres du Macina qui, dès le XIIIe siècle, formaient un véritable royaume nigérien, ni même avec celle des centres mercantiles ou aurifères des provinces malinkés de la Haute Guinée. Le peuplement récent du Kaloum rend compte du fait que l'origine toponymique des villages et quartiers n'a pas été perdu par oubli, et que les déformations de mots soient minimes pour ne pas dire inexistantes. Or chaque village, chaque quartier a une signification précise. Le sol natal, le coin de terre nourricière sur lequel l'homme vit et dans lequel il est inhumé est trop mêlé à son existence, pour que son vocable dépende du simple hasard et pour que ceux qui ont pris les premiers possession du terrain, ne l'aient point déterminé par rapport à des influences externes (panorama, position), à des souvenirs personnels (rappel d'un grand ancêtre) ou sociaux (évocation d'un événement ou de circonstances historiques), de telle sorte qu'il est permis de rapporter la plupart des noms locaux à certaines catégories. Outre les noms d'origine ethnique signalés plus haut, et ceux d'origine religieuse assez rares, comme Madina, les autres peuvent être classés en référence :
Comme Dubréka a été l'agglomération importante à partir d'où a été menée vers 1885 la pénétration politique des Français dans le Kaloum et aux alentours, la montagne de Dubréka et de Coyah, c'est-à-dire le Kakoulima qui élève son dôme à 1007 m. au-dessus du niveau de la mer, et dont le massif ferme la longue presqu'île du Kaloum, peut être considéré comme l'épicentre toponymique d'où il faut partir, si nous en croyons les vieux Bagas, pour expliquer la première occupation du Kaloum. Plantés là, ces schistes gréseux et ces gneiss, sur les flancs desquels, comme dans toute la basse côte d'ailleurs, poussent à merveille les palmiers à huile (Elaeis guineensis), subjuguent l'attention dès le premier abord. Souvent auréolé de brouillard et de nuées, point d'attraction des orages tropicaux, barrage climatique entre la Basse-Guinée et le coeur du Fouta-Djalon, le Kakoulima, où se terrent les génies de la région doués de puissances occultes, symbolise comme un Sinaï la force et la noblesse d'un dieu, de ce Dieu auquel on offre des libations, qui protège l'homme et qui lui réjouit le coeur. Les fétichistes bagas, émigrés du Fouta-Djalon il y a à peine trois siècles comme en témoignent les traditions orales des Bagas-Sitémous de Kataco venus de Labé, des Bagas du Kaloum venus du Timbo et qui ont, selon mes informateurs, peuplé par la suite le Koba, se rassemblaient périodiquement sur la montagne pour des festivités où l'on buvait force vin de palme. Le Kakoulima est le «lieu où l'on boit le vin de palme»(ka = lieu où, koul = boire, mwa = vin de palme, appelé bandyi en soussou) dont les habitants de Ratoma, Kaporo, Dixinn, Touguéwondi entre autres, restent encore fort friands.
Les vieux Bagas de la presqu'île s'invitaient ainsi aux festivités: Ankouloumé, allons boire. Par accentuation sur kouloum et par déformation, peut-être à cause de la contamination et de l'analogie avec les kaloè : perroquets, en soussou (kaaleeru en poular) qui peuplent la région, kouloum est, devenu kaloum. Quelques informateurs soutiennent l'origine mendé de Kaloum, issu de kolouma : étonnant ; ka kolouma : très surprenant.
La presqu'île du Kaloum est limitée sur le littoral nord-ouest par la baie de Sangaréah au bord de laquelle le village du même nom dans le Dubréka a été fondé par le roi Sangaré, et au sud-est par les marécages et la baie de Manéah, abréviation de Toumanéah, territoire du mangué (roi) Toumani.
Dans le Kaloum, Kaporo, chef-lieu de canton jusqu'à l'indépendance, se glorifie d'être le foyer résidentiel de la chefferie maîtresse de toute la presqu'île. Mais un village baga existait avant lui, celui de Nongo, berceau initial des Khamfori Bangoura de la région, et qui n'est que la déformation du nom même du fondateur baga : Longo. A Nongo, quelque temps après sa fondation, vivait une vieille femme nommée Tombo Ali, qui émigra dans un site appelé depuis Tomboliya. Elle eut un fils, Khamfori Ali, qui en est considéré comme le premier habitant. Un autre représentant du clan bangoura de Nongo, Khamfori Kha est allé le premier fixer sa case à quelque cinq kilomètres de là, près de l'embouchure d'un marigot désigné en baga sous le nom de Kaporo = estuaire.
Au temps de la première expansion de Kaporo, par alliance avec des Soumah, lesquels ont laissé leur nom à leur terrain de culture: Soumaboussiya (de Bossi, nom féminin ; le coutumier baga accordait aux femmes des droits à un héritage foncier), existait un centre religieux fétichiste dans une grotte au pied d'un marigot où l'on rencontre toujours des offrandes au génie du lieu. Cet endroit fut nommé en baga du nom de l'arbuste qu'on y trouvait en abondance : Ratoma, correspondant au bolonta soussou. Cet arbuste a, dit-on, une forte vertu médicinale et occulte, puisque les feuilles en sont utilisées en compresse contre la gale, la moelle de la tige est mâchée pour guérir les fièvres et les maladies de poitrine, et les graines pilées soignent les plaies sur lesquelles on les applique. Ces ratoma couvraient de leurs branches la pierre des sacrifices. Plusieurs fois par an, pour implorer du génie du lieu une bonne pêche de poissons et de crevettes, les habitants de Kaporo, Tomboliya, Nongo, Simbaya, Dixinn, s'y retrouvaient. Ils se rencontraient tout d'abord à Rogbané qui signifie en baga le «rassemblement» , et où n'existait pas encore de village, avant d'être solennellement conduits à la grotte par les musiciens, les masques et les magiciens du culte fétichiste. Durant plusieurs jours, on offrait au dieu des présents de nourriture et l'on festoyait en vidant les gourdes de vin de palme, tandis que le tam-tam et la musique des griots accompagnaient libations et danses. Les traditions rapportent qu'un homme aux cheveux de femme servait d'intermédiaire implorateur entre les hommes et le génie du lieu. Pendant douze heures, dit-on, il restait dans l'eau, invisible, en train d'officier. Après sa mort, il fut remplacé par une femme: Mama Yéli Sano.
Auprès de Rogbané, Kipé était le lieu où les gens des environs, ceux de Kaporo et de Tomboliya, cueillaient une certaine plante nommée kipé en baga, servant annuellement par macération à la pêche au poisson dans les marigots.
L'origine de Conakry est à relier à celle de Kaporo. Le Khamfori Kha de Kaporo de la même souche que le Khamfori Ali de Tomboliya, eut quelque temps plus tard comme parents à Nongo, un Khamfori Massa, et un certain Khamfori Konan parti seul se fixer dans l'île qui prolongeait le Kaloum. Les témoignages du vieux Monomoundouna recoupent à ce propos ceux de l'ancien douanier Kabagnari interrogé en 1927 par Mgr Lerouge, archevêque de Conakry. Sous le grand fromager face à l'actuel ministère du Développement économique et à la Direction du port, habitait un certain Konan. Konan est bien un nom baga du terroir. Ce Konan possédait des palmiers qui donnaient un vin excellent. De sorte que les gourmets du temps, quand ils voulaient vraiment se délecter, y venaient vider les gourdes. Konan devint célèbre avec son vin de palme, et l'on ne parla bientôt plus, les jours de réjouissance, que de passer chez Konan, que d'aller du côté de Konan pour y faire de copieuses libations. Nakiri veut dire en soussou : l'autre bord ; nakirikaï : les habitants de l'autre rive. Pour ceux de Kassa, comme pour ceux de Camayenne, les insulaires de Tombo étaient les « nakirikai » . Conakry (naguère orthographié avec un « ;K » ) est vertu par contraction de Konan nakiri ou Konankiri : du côté de chez Konan « Grammaticalement il n'y a rien à redire à cette construction, mais le malheur, c'est que les Konakry sont nombreux en Guinée. Il y en a un, en face de Marara, et rien ne prouve que c'était la rive où habitait aussi un Konan. En pays malinké, il y a des Khoniakori qui ont apparemment le même sens. On en trouve sur les frontières libériennes : un tout petit village juché à 1 350 m. sur le pic de Konosso. Sûrement qu'il n'y eut jamais de Konan en cet endroit. »(Notes de Mgr Lerouge.)
D'autres hypothèses peuvent être mises en regard qui m'ont toutes été soutenues. Pour l'explication de nakiri, pas de difficulté. Mais d'où vient le Ko du commencement ? Il serait pour certains une abréviation du soussou khonyi : chez, et le mot Konakry signifierait : chez les habitants de l'autre rive. Mais l'adverbe de lieu suit toujours le nom qu'il situe et ne le précède jamais. On dit mangué-khonyi : chez le roi, et non khonyi mangué.
La version peule semble aussi discutable. Un chasseur foula venu dans l'île aurait tué une panthère et, à son retour sur le continent, aurait répondu à ceux qui l'interrogeaient, en mêlant le poular et le soussou : Ko = c'est (en poular) nakri = de l'autre côté (en soussou).
Pour d'autres, Kona serait un mot créole sierra-léonais signifiant l'angle (déformation du «coin»anglais ; lieu propice, endroit favorable). Les habitants des Iles de Loos qui furent sous domination anglaise jusqu'en 1904 auraient ainsi désigné les pêcheurs «à l'angle de l'autre côté » . Mais on s'explique mal l'accolement d'un mot soussou à ce mot créole, bien que le soussou ait toutefois emprunté de nombreux termes à l'anglais sierra-léonais.
L'hypothèse la plus probable reste encore la première soutenue par les vieux Bagas qui ont conservé les noms de leurs ancêtres. C'est le nom de ce petit village d'une dizaine de cases vers 1865 qui l'a remporté sur les noms de Ballayville puis de Ponty-ville par lesquels on voulut, au début du XXe siècle, désigner la capitale de la Guinée.
Mais à l'autre extrémité de l'île, au sud-est, s'était implanté vers la même époque un autre village, celui de Tombo, nom propre du fondateur baga, qui a donné son nom à toute l'île. Jouxtant ce village, subsiste encore un célèbre fromager qui marque actuellement un rond-point, au commencement de la digue sud. L'endroit vénéré des fétichistes porte le nom de Bassikolo (en soussou). Un devin appelé Baassi à la démarche lente et digne du caméléon (kola = caméléon) y interprétait, dit-on, les oracles du génie du lieu : Mami Wata, de Mamy Water, notre mère l'eau, selon le créole sierra-léonais.
Outre ces deux villages, en apparut vers 1860 un autre au sud de l'île, touchant l'anse du Dragonnier, et implanté autour de la factorerie du premier Allemand Bolbin qui voulut, pour le compte d'une maison de Hambourg, établir près de son comptoir de traite, un port secondaire de Freetown et moins enfoncé dans les terres que celui de Dubréka. Le premier emplacement donné par le roi Balé Demba à la Compagnie Colin de Hambourg se situait face à l'Assemblée nationale sur l'ancienne grande place des câbles sous-marins. Bolbin a donné son nom à Boulbinet, quartier commercial des Allemands.
Lorsqu'en 1890, il fut question de doter Conakry d'un port, Boulbinet semblait mieux indiqué, mais le voisinage suspect des Allemands détermina les autorités françaises à le construire plus au nord à l'emplacement actuel. La Compagnie Coloniale d'exportation, en se fixant en 1865 auprès du port, fit naître à côté du village de Conakry, deux autres petites agglomérations. Près de la concession actuelle de Transmat, existait alors Fouyofaya signifiant en soussou «iodoforme» , parce qu'on trouvait au comptoir français les médicaments nécessaires à la guérison des plaies. A l'emplacement du ministère des Finances, ancien Secrétariat général, se situait Krowtown. D'une tribu ivoirienne, les Kroumen étaient embarqués comme manoeuvres et comme soutiers pour faire le service de la chaudière sur les bateaux à vapeur des compagnies commerciales. Des équipes de relais s'établirent près du parinarium excelsum de l'ancienne poste, qui était le sougué fétiche des Krows.
En dehors de ces villages plus ou moins fournis, l'île de Tombo était couverte de forêts. Le nom du quartier de Couléwondy : forêt des singes (de Khoulé = singe, wondi = futaie) entre la gare de voitures et l'hôpital Ballay en témoigne.
En 1888, le bourg européen de Conakry surgissait de terre. Il comprenait, selon Madrolle, «la Compagnie Française et la Maison Maillat dans l'ouest de la ville, et Colin, au village de Boulbiné ; entre ces deux points, le bureau du câble anglais et le poste sénégalais clôturaient l'énumération des premiers établissements européens de l'île de Conakry connue à cette époque sous le nom de Tombo. La séparation administrative des Rivières du Sud de la colonie du Sénégal mit définitivement Conakry en lumière. Depuis le 1er janvier 1890, l'île de Tombo a été choisie comme résidence du gouvernement de la nouvelle colonie de la Guinée française et Conakry s'y est depuis développée» . (Cl. Madrolle : En Guinée, librairie Le Soudier, Paris, 1895, p. 242).
A cette époque, on invita plus ou moins gentiment le chef de Conakry, l'almamy Benty Sory à transférer sa résidence non loin des P. T. T. actuelles dans le quartier qui porte depuis le nom d'Almamiya, de façon à laisser sa concession libre pour l'établissement d'un entrepôt de la Compagnie du Sénégal et de la côte occidentale d'Afrique devenue par la suite Compagnie Française d'Afrique Occidentale.
Aussitôt son installation à Conakry (1890), le premier gouverneur Noël Ballay (1817-1902) mit en train la construction d'une capitale de la nouvelle colonie dans l'île de Tombo. A cet effet, il fit venir de Sierra Leone, d'une part des manoeuvres et des maçons pour la construction de maisons et de digues permettant de stabiliser la côte sud de Tombo et de relier l'île au Kaloum d'autre part, des comptables pour les maisons de commerce.
Les Limba d'une petite ethnie sierra-léonaise étaient réputés pour leur talent de bâtisseurs, leur finesse d'architecte et leurs méthodes adaptées au pays. Leur îlot d'implantation attenant à Boulbinet, derrière l'actuel Commissariat central de Police, fut dénommé Limbanta : village des Limba. A proximité de leurs concessions, ils pratiquaient la culture vivrière. Quelque quinze ans après leur arrivée, entre le 5e et le 6e boulevard, au sud de la 6e avenue, des Libanos-Syriens se fixèrent, dont les boutiques de détail très achalandées attiraient la clientèle. Le quartier fut bientôt appelé Manquépa, du français «Manque pas» , ou «il n'y manque rien» . Tout auprès, une concession porte le nom de Samawaya, de Samawa, premier bourreau chargé des exécutions capitales sur ordre du gouverneur, entre 1900 et 1925 ; la dernière victime connue a été Sacramento.
Des membres d'une autre ethnie sierra-léonaise, celle des Témné, race dominante à Freetown et au sud de Forécariah, vinrent aussi à Conakry pour servir comme bâtisseurs, comme soldats mercenaires et comme comptables. Recrutés en raison de leur tempérament guerrier, certains servaient de koroba : entraîneurs dans la milice de la colonie. D'autres, instruits, et dont les enfants parlent le «broken english» , étaient employés comme clercs et comptables. Vivant en marge de la population autochtone, ils continuaient de pratiquer leur religion protestante. Beaucoup d'entre eux vivent encore dans leurs concessions, en tant que vieux travailleurs retraités, tandis que leurs enfants sont en majorité retournés en Sierra Leone. Leur quartier général, entre la Mission catholique et le Camp militaire baptisé, depuis Camp Samory, fut nommé par eux «Newtown»en 1892 ; depuis, c'est l'appellation soussou de Téminétaï (village des Témnés) qui s'est perpétuée.
A l'extrémité sud du 7e et du 8e boulevard, le nom du quartier de Sandervaliya, date du passage à Conakry en mai 1888 du célèbre explorateur, Olivier de Sanderval, qui choisit, isolée parmi les broussailles, la concession d'un Français, Jacob, gendre de l'Allemand Colin, lequel possédait la factorerie de Boulbinet, pour y élire résidence. Parti de Boké, il revenait d'une visite à l'almamy de Timbo duquel il avait obtenu d'importantes concessions. Sa case et sa petite cuisine en dôme subsistent de nos jours dans un terrain occupé par la S.I.A.G.
Dans l'angle sud de la voie ferrée et du 8e boulevard, le quartier de Limaniya vient de son premier occupant Limana Koïta ; son fils Yaguil Koïta fut interprète soussou-français, le fils de celui-ci Ahmadou Koïta, décédé il y a quelques années, exerçait les fonctions d'instituteur. Mais le prénom lui-même de Limana porte la charge affective de son origine musulmane. «Limana»est la profession de foi du croyant. En arabe africanisé, sont exprimés par le fidèle, les six piliers de l'Islam :
Auprès de Limania, un lot derrière le Collège technique : Condétoya, rappelle la résidence surveillée du résistant africain Condéto, originaire du Moréah et déporté au Gabon.
Au nord de la voie ferrée entre le 8e et le 11e boulevard, Coronthie est ainsi appelé par déformation orthographique française, parce que ce fut le premier lazaret où l'on faisait «quarantaine»des lépreux (corinti en portugais, passé dans le vocabulaire soussou).
En sortant de Conakry I par la digue de Tombo et en prenant l'artère centrale de l'aviation, on rencontre à peu près successivement les quartiers de :
Du côté de la corniche nord se suivent presque :
En suivant la corniche nord à partir du km 4 :
Au-delà de Taouya, nous touchons de nouveau au berceau des Bagas du Kaloum : Ratoma, Rogbané, Kipé et Kaporo.
C'est à Kaporo que l'octogénaire Bangoura Monomoundouna, c'est-à-dire en soussou «le débrouillard» , appelé aussi par sa nombreuse descendance «le père des bagas» , doyen d'âge et mémoire vivante de toute l'histoire traditionnelle du Kaloum, m'a raconté en conseil de village, par l'intermédiaire d'interprètes, quelques phases de la geste de ses aïeux.
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